Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
crevette domestique
crevette domestique
Derniers commentaires
Archives
17 mars 2007

Si je me permets de passer parmi vous...

Scène banale dans une rame de métro

- Messieurs dames, bonsoir, voilà, je m'appelle JP, je suis à la rue depuis huit ans et croyez moi, c'est pas de gaité de coeur que je suis ici. Oh, ne croyez pas que je fais la manche, je vends juste ce journal qui m'aide à me sortir de la misère. Et croyez le, c'est dur...

Quand je me demande à quand remonte la dernière fois où j'ai donné, je me dis que c'est le bon moment de le faire.

-  Madame n'a pas l'air de se rendre compte, oui, toi qui fais semblant de pas me voir. Qu'on échange nos vies cinq minutes et elle verra ce que c'est que de n'avoir plus rien...

Le type est légèrement agressif, sans trop en faire. Il  semble prêt à péter un cable. Raison de plus pour sortir une pièce. Deux euros, ça fera l'affaire.

- Pour ceux qui ne veulent pas le journal, une petite pièce, une clope ou même un sourire, ça n'est rien mais ça remonte le moral et donne du courage.

Tu vas voir mon gars, je vais te faire mon regard droit dans les yeux avec sourire humain, le truc qui te rappelle que t'es pas qu'un mendiant. J'y rajouterai même un "bonne soirée" ou un "courage" pour bien te montrer que même si certains font semblant de ne rien voir, d'autres t'écoutent dans ce wagon.

Il s'approche, un autre homme d'une cinquantaine d'année lui tend une pièce. Il le remercie sincèrement. La dêche, tout ça, ça doit franchement être dur. Il insiste d'ailleurs pour le remercier encore, dire que ça c'est un homme. Le généreux donateur préfèrerait rester anonyme. Tant pis, c'est la rançon de son don.

Je m'apprête moi aussi à donner ma pièce. Il la voit dans ma main, il me regarde dans les yeux et me fait signe que non.

- Tu peux la ranger, j'en veux pas...

Euh... Quoi ?

- Toi t'as pas vécu dans la misère, ta pièce elle sent le bourge, j'en veux pas, tu peux la reprendre.

Pardon ?

- Lui là, il sait ce que c'est, ça se voit tout de suite. Alors que toi, qui t'es hein ?

C'est une blague ? Regard autour de moi. C'est le concours à celui qui imitera le mieux les statues de l'ïle de  Pâques.

- T'as rien vécu, t'es qu'une merde.

Ben, ça se discute...

- Tu connais quoi de la misère ?

Sans avoir touché le fond, je pourrais largement lui parler de périodes difficiles. J'essaie de lui en toucher un mot mais bon, apparemment, il a rencontré un ange, il faut maintenant qu'il se paye une bête noire.

Je décide alors de la jouer humain bis avec provoc parce que bon, merde à la fin.

- Tu la veux pas, je la range. Mais arrête de nous faire pleurer comme quoi t'as besoin de sous.

Oh, Dieu des cons, allume un cierge à mon intention. 

- Ton argent, j'en voudrais jamais. Tu respires le fric, tu pues même.

Pourtant, je n'ai pas d'Ipod, même pas de manteau Burberrys ou je ne sais quoi. Dés que je met une chemise, tout le monde me trouve classe. C'est pour ça que je ne met que des tee shirts (il faut savoir se préserver pour les grandes occasions). C'est sûr, je ne fait pas pitié, mais quand même, je ne respire pas non plus le bourge pédant qui dort sur un lit de billets.

Allez, on la joue sourire, ça fera passer le trajet.

- ça te fait rire la misère ?

Bon, il me cherche...

- Non mais toi oui... T'as faim ? Qu'est ce que tu fous encore avec nous, ça fait trois stations que nous la joue agent d'ambiance "et que j'ai pu rien et que le monsieur il est gentil, et que lui je veux pas de son argent...". C'est nouveau, faut avoir un profil pour donner une pièce ? N'importe quoi. Tu me fais rire.

J'ai senti que ça lui faisait plaisir cette petite provoc. Il a d'ailleurs souri un peu avant de m'insulter copieusement.

Ce n'était pas une pièce qu'il avait besoin mais un punching ball. Après deux stations, j'ai finalement rajouté :

- Je descend là connard....

- Je t'emmerde... Jamais j'accepterais tes pièces...

-  Et ma main dans ta gueule, tu l'acceptes ?

Silence dans le wagon. Personne pour intervenir ? Non, personne, même pas le bon samaritain.

- Allez salut, pauvre type...

- A la prochaine, débile...

Nous nous sommes quittés ainsi. Je me suis retourné. Il était descendu du train et continuait de me regarder. En souriant.

Bon. Ce n'était pas une pièce mais juste un peu de bonne humeur... C'est déjà ça de pris...

En  échange, ce con m'a refilé un complexe... C'est vrai quoi, qu'est ce qu'elle a ma tronche ?




Publicité
Commentaires
Publicité