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crevette domestique
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13 septembre 2007

Le Studio des Possibles

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- Excusez-moi, j'aurais besoin de sauter par votre fenêtre pour rejoindre le balcon de vos voisins.

 

L'homme ne semble pas du tout réaliser la situation.

 

- Y a mon collègue qu'est sur le toit. Il va descendre une corde pour que je passe de chez vous à chez eux.

 

Mon esprit est embrumé. Il est à peine midi et demi. Je ne suis pas sûr de tout comprendre.

 

- On a essayé de les joindre mais ils répondent pas. Comme on doit faire des travaux... ça vous dérange pas ?

 

Non, du tout.  Il rentre dans mon studio, hurle à son collègue d'envoyer la corde. 

 

D'un coup d'oeil, je repère mon caleçon. Il était sournoisement planqué sous mon lit. Depuis cinq minutes que je le cherche, je vais enfin m'habiller.

 

Ce n'est pas la première fois que j'ouvre à poil, le monsieur n'a pas eu l'air de s'en offusquer. Il faudrait juste que ça ne devienne pas une habitude. 

 

Il faut dire que les gens sont sans gênes. Sonner sans prévenir.

 

Forcément, au réveil, ça crée un état de panique. S'habiller ou répondre, le choix est difficile. Et comme les affaires ne sont jamais là où on s'y attend, on perd du temps, on cherche bêtement, les gens s'impatientent et ressonnent. Si personne ne répond, ils vont s'en aller. S'être réveillé pour rien, ce serait trop bête. Alors que faire ? S'habiller, répondre ? Tant pis pour les vêtements, ouvrir.

 

J'ai comme ça évité une loongue file d'attente en signant un recommandé à une factrice qui n'a pas fait la moindre remarque. A vingt ans et des, j'était tout de même déçu de voir que mon physique de statue grecque la laissait insensible. Les quelques documentaires vus sur le sujet n'auraient ils été que mensonges ?

- Vous laisserez la fenêtre ouverte pour que quand je rentre, je puisse rerentrer ?

- Oui, oui, je suis là tout le temps de toute façon....

- Bon ben, bonne journée...

Il s'agrippe à la corde et s'élance. Bébel en bleu de travail atterrit chez mes voisins. Dans cet immeuble, plus rien ne m'étonne .

ça a commencé dés la première visite.

- Vous voyez le morceau de mur, là, m'a dit l'ancienne locataire.

- Oui

- C'est un reste du treizième siècle. Une fois, deux japonais sont venus spécialement pour le photographier.

J'en ai pris bonne note. Au cas où un car devrait sonner. Laisser la place. Ouvrir les fenêtres.

Heureusement pour moi, ça n'est jamais arrivé.

La locataire est devenue ma voisine qui est devenue mon amie qui est devenue une grande soeur d'adoption. Jusqu'à son départ, mon studio était une sorte d'annexe à son appartement. Nous avions le premier étage à nous, nous étions tous les deux au chômage (enfin, moi, c'était plus des études chômés), nous admirions en terrasse la beauté des parisiens. Il y aurait bien entendu un avenir à tout ça, des changements, des éloignements, des ruptures. En attendant, nous profitions de l'instant autour d'un café chaud.

Notre immeuble était situé aux Halles, devant l'église St Eustache, lieu fashion par excellence. Il y avait des tournages sur le parvis, des films ou des publicités. Parfois des défilés. Je me demandais où se trouvaient les vestiaires. J'eus la réponse en ouvrant la porte de mon appartement. Elles étaient là, en rang deux par deux devant les boites aux lettres. Tout au fond, un porte manteau pour accrocher les fringues. Le genre de choses qui n'arrivait jamais en banlieue.

- Pardon...

Elles ont vu mon sourire. Elles ont essayé de se faire plus maigres qu'elles ne l'étaient. Comme dans un clip,  j'ai traversé un océan de mannequins pour arriver chez moi. Un rêve devenu réalité.

Cet appartement a aussi été l'occasion des  accidents cons.  Comme l'histoire du dormeur, du moustique et du chat. Je dors bien profondément avec mon chat sur mon torse qui m'observe de haut. Un moustique passe par là, trouve le chemin de mon oreille, me réveille en sursaut. Je me redresse d'un coup, m'encastrant l'oeil droit dans le museau de mon chat. Accident bête. Un jour férié.  J'ai attendu de ne plus pouvoir ouvrir l'oeil pour aller aux urgences. Ils m'ont mis un produit décongestionnant. Ma pupille s'est dilatté. Entre l'oeil gauche et le droit, je ne voyais plus la même chose. Effet bizarre, perte de perspective, images flouttées, l'impression de vivre dans un film de David Hamilton permanent.

- Il est moche ton papier peint.

Cet appartement m'a enfin permis de rencontrer ma dulcinée.

- Il faudrait que tu le changes.

Je sais pas comment ça s'est fait, il y a eu des signes, je crois.

- Oui, mais je ne sais pas par où commencer.

Elle déchire un morceau du mur.

- Par là, c'est un bon début, non ?

En même temps, cet immeuble n'avait pas que des qualités. C'était le plus crade, le moins entretenu que j'ai jamais habité. Les poubelles étaient rarement sorties, le voisin du dessus beuglait du Johnny quand il n'était pas saoul, le quartier était pédant, le forum sans âme. Quelqu'un avait tagué "Porcherie" devant l'entrée. Je ne pouvais lui donner tort.

- Il y a un type qui te fait coucou de la fenêtre...

- Oui, je sais.

J'ouvre. L'ouvrier s'élance. Tarzan débarque chez moi.

- C'est bon, tu peux remonter la corde, crie t'il à son collègue. Bon ben, msieur dame, bonne journée.

- Au revoir...

Pour impressionner les amis, plutôt qu'un long discours, il suffit parfois de les inviter chez soi.

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Commentaires
R
Le hasard fait donc bien les choses, repasse quand tu veux, la porte reste ouverte :)
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J
Bien contente d'avoir atterri ici comme de par hasard !<br /> reviendrai :-)
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R
Toujours heureux de faire des contents, surtout si ils reviennent, la porte est ouverte :)
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N
Oui ravie d'avoir eu la curiosité d'ouvrir ce blog j'adore merci j'ai passé un bon moment.<br /> Nalou
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P
Comment ? Tu ne dors pas en pyjama ?
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