Le goût et l'odeur
Tous les matins, je passe devant.
Tous les matins, ses croissanteries me font du nez.
L'odeur du pain au chocolat fondant cuit juste à point m'appelle. Je succombe sous les charmes du croissant à peine sorti du four. Quand arrive le parfum de la brioche dorée à l'ancienne, avec sa mie onctueuse et son dessus craquant, je n'en peux plus.
Il faut que je m'arrête. Il faut que j'en achète. Tant pis si j'ai bien mangé avant, il m'en faut !
Et à chaque fois, je me retrouve devant le même café poisseux, coincé entre un tunnel et un escalator, à l'endroit même où les parisiens toussent, reniflent et crachent leurs dernières glaires, avec le même serveur moustachu qui essuie toujours le même verre sale et son client obèse et rougeau qui termine sa conso et se mouche bruyamment dans un morceau de tissu qu'il regarde ensuite pour vérifier qu'il l'a bien rempli. Les croissanteries ne sont plus que l'ombre de leur promesses.
Le pain au chocolat ressemble à un vieux caniche galeux désespéré d'être adopté un jour par un client en manque de microbes. Le croissant a été dégelé un jour, il y a quelques temps de ça, la trace de moisissure permettant de se faire une vague idée de la date. La brioche a l'air en plastique avec des vrais moutons de poussière dessus.
C'est rien de dire que ça ne fait plus envie.
A chaque fois, je repars déçu, comme si je n'avais jamais appris.
A chaque fois, je m'en veux de réagir aux diffuseurs d'odeur et de ne jamais m'en souvenir.