Devenir une star du rock, le pour, le contre et surtout le pourquoi
Vous rêvez des
concerts où des jeunes femmes aux formes pulpeuses et offertes hurlent
votre nom en déchirant vos vêtements faisant de votre vie une
véritable orgie qui jamais ne s'arrête quand vous vient ce moment de
blues d'inquiétude et de doute qui vous permet de mettre deux trois
notes à la suite d'une autre, construisant ainsi le prochain refrain de
ce qui sera bientôt un hymne repris par toutes la jeunesse avec ce
qu'il faut de rébellion, d'érotisme et de fureur donnant à chaque fois
l'envie de tout casser et de hurler à la face du monde sa révolte pour
que cesse l'injustice et commence le règne du plaisir sans partage
sur la dictature des politiciens qui oppriment ceux qui sont rentrés
dans le rang et bellent comme de pauvres moutons qu'on égorgera bientôt
à l'abattoir du coin en leur offrant une télévision pour suivre les
dernières aventures de leurs héros anesthésiants qui résonne d'une vie
sans surprise sur leur pitoyable quotidien.
Bref, vous aimeriez un peu, être
une star du rock...
Et
on vous comprend. Mais avant de vous lancer toute moustache dehors
dans cette carrière, réfléchissez bien. Pensez au pour, au contre et au
pourquoi qui risquent de guider votre vie de star de la gratte et des
riffs et des sauts de scènes et des hurlements et des chambres d'hotel
qu'on s'obstine à détruire ne serait ce que parce qu'on ne peut pas
faire autrement, c'est les usages dans le métier, alors qu'on
aimerait parfois dormir un peu tranquille dans un bon Formule 1.
Il suffit juste de fermer les yeux et d'imaginer (et puis de les rouvrir parce que c'est pas pratique pour lire)
L'ultra Pour
Seul
sur scène avec ma grande bouche et mon bandana qui retient un océan de
sueur, je démarre un putain de solo qui décolle les oreilles et rend la
foule quasi-hystérique. Je m'approche du rebord de la scène, j'évite
deux strings et un caleçon, je croise le regard d'une jeune fan plutôt
mignonne. Je lui souris. Elle n'en revient pas. Sa copine à côté hurle
à s'en faire péter les cordes. Elles tombent amoureuses instantanément.
Je souris encore mais cette fois ci avec un rien de distance avant de
repartir dans le fond.
L'ambiance est chaude, gonflée à bloc... Encore quarante minutes de concert. Et la nuit ne fait que commencer.
Le Pour :
- Parce que je veux dire quand t'es là que tu sens
que y a comme une communion tu vois, c'est eux, c'est nous, c'est... on
est... on communie si t'oi ce que j'eux dire. On fait l'amour par la
musique, moi ma guitare, c'est un mojo géant, chaque note c'est un
orgasme dans la foule. Et tu le vois, tu vois, les filles enfin les
femmes, elles sont... Enfin... Y a comme un vent de liberté tu vois
et en même temps, c'est prenant, y a des sensations extrêmes... Et
c'est pour ça que tu peux pas y échapper, c'est dans les trips, tu vois
et ... (écrivez la suite) ...
Le Contre :
-C'est
tous les soirs. Alors au début, certes c'est amusant . On balance un
gros son, on joue de la gratte avec la langue (ça impressionne
toujours), on saute en l'air, on sue comme un veau, on renifle les sous
vêtements jetés avec un air inspiré. On est libre et tout.. Et le
lendemain, alors qu'on aurait bien fait une partie de Katamari, il faut
y retourner. Même gros son, même jeu de guitare languien,
même reniflement, même sueur mais moins parce qu'on s'est habitué. Et
après quinze jours de ce régime, on monte sur scène, on fait un saut
normal de liberté, on joue avec la langue qui est devenue tellement
musclée qu'on zozotte toute la journée, on évite les strings en se
disant que vraiment, y a aucun respect, on est libre mais ça commence à
faire chier de pas pouvoir mater la télé tranquille alors qu'on se
serait bien posé devant le premier Nouvelle Star venu.
Le Re-Pour
-
Beau ou moche, toutes les femmes vous aiment. Même celles qui font mine
de. Après l'amour, un dernier joint, on sort la guitare et on compose
nu. La compagne du soir est fort impressionnée. En direct de l'antre de
la bête de scène, elle assiste à un instant de Création qui sera peut
être un Tube International. Elle pourra dire "J'y étais". Elle vous
conseille quelque chose, un petit rien qui fait toute la différence.
Pour vous cela tient du miracle. Vous en pleurez presque. Elle a trouvé
ce que vous cherchiez depuis des siècles. Le tube est là, vous le
sentez. Elle vous croit. Elle n'en peut plus, vous refaites l'amour
sauvagement comme des bêtes sauvages (ceci expliquant cela).
Conseil
: puisque vous n'allez pas coucher tous les soirs avec la même fille,
prévoyez un accord assez simple à rejouer continuellement. Le coup du
regard et du miracle sont assez faciles à simuler, pas la peine de
sortir du cours Florent.
Le Re-contre
-
Couchez avec des filles c'est bien mais il vous manque celle à qui vous
pourriez vous confier, avec qui vous pourriez partager une soirée
glace-télé-discussions sur divers sujets peu rock'n roll tout en
trouvant cela follement romantique. De plus, celles que vous avez
rencontré jusqu'ici développent à chaque fois le même défaut: elles
vous analysent. Vous êtes une légende, un mystère qu'il faut à tout
prix percer. Comme un rat en cage, vos moindres gestes sont décryptés .
Vous soufflez fort, c'est que vous vous ennuyez. Vous remettez un tee
shirt, c'est que vous voulez partir. Vous faites de la roue, c'est que
vous voulez vous échapper sans l'avouer (vous avez une roue chez vous
?). Sa conversation est-elle si mauvaise qu'après avoir tiré un coup
vous vous jetez sur votre instrument pour composer un morceau ?
Sans
compter qu'au bout d'un moment, vous allez rencontrer la copine de la
copine et qu'il va falloir trouver autre chose pour rester le meilleur
("S'il te fait le coup de l'inspiration après l'amour, coince-lui les
couilles dans les cordes").
Le Pourquoi Pas
En
même temps, faire une tournée, c'est chouette, on découvre différents
pays, différentes cultures (même si au début, c'est plus différents
départements, différentes cultures de céréales), il y a plein de gens
qui sont toujours très heureux de vous recevoir (au début l'adjoint du
maire du village est tout rouge tant il est content de faire un truc
pas administratif).
Le Pourquoi pas mais en fait
Rock
Star c'est bien mais seul c'est mieux. De toute façon, les autres, ils
font rien qu'à tirer la couverture à eux alors que tout le monde sait
pour qui le public vient. Qui c'est, eux ? Des moins que rien, des nuls
qui se la pètent, des personnes qui le seraient restés si vous ne leur
aviez pas tendu la main. Et puis, sans déconner, des solos comme les
miens méritent une soirée pure sans rien d'autres...
Le Parce que pendant que j'y pense
Je
me rappelle la bonne raison qui a fait que je ne suis pas devenu une
rockStar alors que je me voyais vachement en Cock Robin chantant
"'Cause when you're heart is weack" : La guitare.
Comme
tout collégien, j'ai eu ma période où je voulais apprendre à en jouer
pour libérer les oreilles du monde. Des larsens, des sauts dans tous
les sens, des hurlements de guitare de folie qui détruisent tout sur
leur passage, bref, la totale.... Et pour commencer, un prof avec une
tête en forme de micro qui m'a
demandé d'apprendre des accords, de jouer "Gare au Gorille" tous les
jours pendant au moins deux heures et, si vraiment je m'y met à fond,
dans quatre ans, je pourrais passer à la guitare électrique...
Hum...
J'ai
tenu trois semaines. Ensuite, j'ai préféré apprendre l'harmonica en
autodidacte . Puis, quand mes oreilles et ma bouche baveuse en ont eu
marre, j'ai décidé d'apprendre la guimbarde en autodidacte. Et quand je
me suis rendu compte qu'un solo de guimbarde devant une foule
wembleysienne, même en sautant et en suant, ne me permettrait pas
d'avoir le même charisme, de coucher avec peu de monde et de ne pas
faire croire au coup de l'inspiration miraculeux, j'ai arrêté la
musique.
Pour toujours.
Une dernière résistance en écoutant le chant
des baleines et puis plus rien.
Le silence.
Ouf.