Il va y avoir du sport

Le car s'arrête enfin. Tout le monde souffle. Tout le monde rêve de descendre. Notre prof d'histoire s'approche du chauffeur, prend le micro.

- Je sais que tout le monde est fatigué après ce long voyage mais je voulais vous dire une dernière chose concernant la rencontre de demain...

Quinze heures pour arriver ici à Prague.

- Je sais bien qu'il s'agit d'une rencontre sportive, que vous allez tout faire pour l'emporter, mais s'il vous plaît, s'il vous plaît, je vous en conjure, pour le bien de nos relations, laissez-les gagner...

C'est étrange, cette appréhension. Je veux bien qu'elle ai connu la guerre, l'Occupation.

- Je ne voudrais pas que ce match ternisse le lien que nous avons mis tant d'années à créer avec nos amis Tchécoslovaques.

Nous aussi , on a connu la guerre. Celle du Golfe, la première. A la télé. Et on n'angoisse pas pour autant.

- Ce n'est pas qu'une rencontre sportive, c'est aussi une ouverture politique et une image positive de la France que vous allez donner ici.

Nous voilà avertis. A la descente, je retrouve mon correspondant, un culturiste à la machoire carrée  qui ressemble à  s'y méprendre à un Schwarzzenegger blond. Pour un peu, on voudrait tirer sur ses cheveux pour dire "J't'ai reconnu". Mais vu sa carrure, et son peu d'humour, je n'ose pas.

- Voyage bon ?  

- Voyage bon, oui. 

- Demain, gagner match.

- Jamais... On va vous mettre la pâté. On est les meilleurs, les plus forts. Et en plus, on est Français.

Ma prof d'histoire me lance un regard horrifié. Involontairement, elle vient de déclencher la Troisième guerre mondiale.

J'arrive dans la chambre de mon correspondant qui sera la mienne pour trois jours. Il vient d'une famille riche. Il a un magnétoscope. Avec des tas de cassettes. Alors, mon ami, qu'est ce qu'on regarde dans ton beau pays...

- Porno, porno, porno, porno, porno, porno, karaté, porno, porno porno, karaté, porno, karaté, porno... Toi choix film...

Je sens que la soirée va commencer par un peu de karaté.

Lendemain matin, nous sommes sur le terrain.


En face de nous, le bloc de l'Est. Ils sont prêts. Ils en veulent. Le visage fermé, ils ne sont plus une équipe, ils sont un. 

En face, la plus grande, la meilleure et surtout la plus performante équipe de lycéens section arts plastiques. Des cadors de la planche, des spécialistes de la perspective, des masters of the crayon 2B. Avec des joggings qui pendent. On ne joue jamais au volley. Mais aujourd'hui, on va leur montrer.

A nous de servir.

- Service Canon !!!

Le lanceur met toute la gomme dans son poing, la balle redescend vers lui, il tire de toutes ces forces et...

- Aï-euh ! Mais t'es malade !

Il touche son camarade dans la nuque.

- Scuseu...

La balle est renvoyée côté Tchèque. Une de mes camarades remarque le terrain de gym a côté de nous.

- T'as vu, y a de la mousse découpée en frites

- Non mais on joue là...

Sans le moindre soupir, le Tchèque tire de toutes ses forces. La balle passe au dessus du filet

- J'ai !

Notre champion se lance sur la balle, la renvoie en l'air, je fais une tête et... filet.

Nos adversaires se foutent de nous.

Notre prof est dépitée.

Quant à nous, ça y est, on est en colère.

La balle est à nouveau renvoyée, nous arrivons à la rattraper, une fois, deux fois, trois fois, quatre fois... ne restent plus qu'à la passer de l'autre côté du filet. Elle passe. Et on nous la renvoie. Et on perd.

Alors qu'on a mis tant d'effort pour la faire passer.

- Bon, je vous laisse, je vais voir la mousse...

- Mais non mais...

Rien à faire, elle est déjà partie. Elle saute sur le trampoline, attrape un morceau de mousse qu'elle passe autour de la taille.
Une bonne diversion en somme.

Et ça tombe bien, c'est à moi de servir. Je me concentre, rassemble toutes mes énergies. Avec moi, le ballon va devenir ovale.

- Service ca...

Personne ne m'a prévenu qu'elle était en plomb. ça fait un mal de chien quand je tape dedans. Elle rebondit mollement, part dans le décor. Et moi, je me tiens le poignet, touché pour la France, je ne pourrais plus jamais dessiner.

Tout ça pour un sport stupide que je ne pratique même pas.

- Hè regardez, j'ai un zizi !

Notre camarade a passé un bout de mousse entre ses jambes et fait le tour du stade avec. Nous la connaissons depuis tellement longtemps qu'on n'est même plus choqués quand elle fait ça. Les Tchécoslovaques, par contre, commencent doucement à s'interroger.

Est-ce vraiment ça, l'équipe de volley qu'on leur a survendu ? 

Je me retire, blessé. Ils ne sont plus que quatre à jouer.

- Eh les mecs, ça va pas, je veux pas me faire massacrer !

Trois, en fait. Trois lycéens qui vont donner le meilleur d'eux-mêmes et se prendre une vraie pâtée. Pendant que nous, nous fumons nos cigarettes. Et que notre ami continue à courir avec sa mousse entre les jambes, provoquant une incompréhension totale dans le stade.

Retour dans le car. La prof prend le micro.

- Bon... je voulais vous remercier pour le match d'hier mais... bon, je n'ai pas vraiment compris. Je pensais que vous étiez adultes. Que vous compreniez les enjeux. Il y allait de la politique là dedans. Et vous nous avez ridiculisé !

Mouais.

Bon.

D'accord.

Mais aussi, on nous met une telle pression.

L'année du bac en plus.

Je m'en fous, la prochaine fois qui viennent, on leur met la pâté sévère

Mais quitte à choisir, autant que ce soit en dessin. 

Comments

[Ranx]

C'est ça le sport : ) Faire rire tout en mangeant cinq fruits et légumes par jour !

En attendant, je suis plus que flatté, je crois que je vais me la donner jusqu'au bout de la nuit pour fêter ça, et demain ben... demain le doute... comme d'habitude !

[Hav]

Pardon, je me mouchais, parce que j'ai pleuré de rire. Il y a des blogs "humoristiques" dont la lecture nous fait sourire. On trouve ça plaisant, intelligent et bien écrit. Attention, je ne parle pas de petits blogounets de rien du tout. Non, des grands blogs, ceux qui caracolent au Top 50 des blogs. Mais ici, je ris aux éclats, vraiment. Je tenais à le dire. Si si, je le pense. C'est le seul qui me fasse rire autant.