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crevette domestique
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21 septembre 2010

Entre quatre murs

Nous sommes là, tous les deux. Moi avec mon plateau de fromages, elle prête pour la scène. On ne se dit rien. On attend.

Depuis un bon moment.

Dans son costume, elle est magnifique. J'ose à peine la regarder. A la télévision ou au cinéma, pas de problème mais là, si près, je suis intimidé. Je lui jette un regard malgré tout.

Elle grimace un sourire. C'est déjà difficile d'être coincée ici, si en plus il faut partager l'espace avec un lourdaud qui vous mate.

Je peux comprendre. Malgré tout, je veux bien détendre l'atmosphère.

- Vous en voulez un bout ?

Je lui montre mon plateau. Depuis le temps qu'on est là, autant partager. D'autant que le destinataire  a dû terminer son déjeuner.

- Non merci. Je suis pas fromage.

Elle regarde son téléphone. ça ne passe pas ici. Et moi, je peux aller me faire foutre. Je mangerais bien un morceau mais si je bouge une main, je vais tout renverser et ce sera invivable. Je ne pourrais pas ramasser. Je serais confus, je bredouillerais une excuse et elle sera prête à creuser dans le mur pour s'échapper.

- ça va, vous vous en sortez ?

- ça va, ça va. C'est pas top mais...

- J'ai prévenu le gardien, il va arriver.

Bien. Tout se met en marche. Il faut juste patienter. Le voilà justement.

- Ah ben, mon vieux...

Un gardien philosophe, voilà ce qui va nous aider.

- J'chuis désolé, aujourd'hui, je peux rien faire.

- Comment ça ?

- Ben, on est dimanche, et si j'appelle, je suis pas sûr...

- Ah mais pardon. C'est marqué 24h sur 24h. ça suppose le dimanche. Et puis...

- Tu vas nous sortir de là, connard !! Tu crois que j'ai que ça à foutre d'être bloquée ici, hein !

- Non mais madame, faut vous...

- Va te faire foutre ! Je vais pas me calmer ! Je veux m'énerver  ! Tu les appelles et tu leur dis de venir ! Sinon, tu vas m'entendre hurler.

Chouette ambiance. Coincé avec une furie. Sur les écrans, elle est souriante, joviale. Alors que là... A croire qu'elle prend de l'élan.

- Tu notes le numéro et tu les appelles compris ?

Le gardien soupire, sort un stylo, marque le numéro et disparaît.

Moi, j'ai des fourmis dans les bras. Il faut que je tienne la pose, penser à autre chose, me concentrer sur une autre partie du corps. N'empêche, ça démange. Si seulement, je pouvais me gratter.

Il faudrait que je me débarrasse de l'assiette.

- Vous voulez pas tenir le plateau ?

Rien, pas même un regard. Je n'existe pas même si je suis tout prêt.

Une longue heure se passe, un assistant vient nous tenir compagnie, nous raconte ce qui se passe sur le tournage.

On n'attend plus que nous pour tourner. Enfin, elle. On termine la scène et tout le monde pourra rentrer.

La nuit tombe. Elle s'est assise par terre. Tant pis pour le costume, au moins, c'est confortable. Moi, je garde la position. Pas le choix de toute façon.

Le réparateur arrive enfin. En quelques minutes, l'appareil se remet en marche. Arrivés à destination, elle tire la grille et court vers le plateau.

Je pose enfin le mien.    

Mes bras font quinze kilomètres de long.

L'assistant me tape sur l'épaule.

- On t'a commandé un taxi, tu vas pouvoir rentrer. Repose toi vieux, tu l'as mérité.

C'est rien, c'est pas grand chose mais ça fait du bien.

Le taxi arrive, un vague regard dans le rétro, je lui donne ma destination.

- C'est parti...

Il enclenche la première, la seconde, la troisième, pour la prochaine, il hésite. Moi, je m'accroche comme je peux, gardant un air faussement détendu.

Il pile devant une voiture.

- Mais c'est quoi, qu'est ce que tu fais abruti ?!

Il klaxonne, met les pleins phares. Devant nous, le conducteur avance.

- Franchement, y en a, je me demande où y z'ont eu leur permis, Pas vrai, monsieur ?

Je réponds "hm hm" entre mes dents. Je suis concentré sur la route. Lui pas. Il fait ça comme s'il jouait à un jeu vidéo. Moi, je n'ai pas la manette. Alors j'observe.

- Qu'est ce qui fait ce con ?! Allez avance !

Il terrorise les autres, ça marche plutôt bien.

- Et lui, il freine à l'orange ! Putain, les gars !

Je ne suis pas sûr de rejoindre mon studio vivant.

Pourtant, je l'aime mon studio, il me rassure.

Alors que lui, avec sa conduite, il me rappelle que je peux finir ma vie ici.

Et rester coincé encore entre quatre murs

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Commentaires
R
Excellent votre lapsus orthographique : "même si je suis tout prêt" au lieu de "tout près". Franchement, ne le corrigez pas, il tombe pile poil au bon moment.
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R
Aucun souci là dessus, ça me donne l'impression d'avoir plein de lecteurs d'un coup. Et même si ce n'est qu'un, c'est toujours bien. <br /> <br /> Maintenant, il te reste à lire toutes les interviews people de gens célèbres lâchant comme un aveu qu'ils ne sont pas très fromages. <br /> <br /> Bonne chance, y en a pour des années.<br /> <br /> Et pour ceux qui se demande ce que fout une star sur un tournage le dimanche et bien, c'est simple, c'est un court métrage. Enfin, c'était. <br /> <br /> voilà, je suis fier de répondre aux questions qu'on ne me pose pas.
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Z
Bon, je prépare une short liste d'actrices qui n'aiment pas le fromage. Et qui se plaignent aussi mais ça risque fort de ne pas réduire shorter la liste...<br /> (Désolé pour le double post au dessus)
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Z
Coincé dans un ascenseur avec Yvette Horner et tu ne tentes rien de déplacé? Quel self control! Quelle abnégation!<br /> (j'ai trouvé de qui il s'agissait grâce au "je suis pas fromage", quand elle en mange elle est toute barbouillée la pauvre Yvette)
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R
Yvette, c'est le rêve de mon enfance. Mais un plateau et un accordéon, ça fait beaucoup dans un petit espace. Et elle aurait tenté de jouer un morceau et là, ce sont mes nerfs qui auraient lâché. <br /> <br /> Mais bien tenté !
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