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crevette domestique
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21 juin 2011

A bâtons rompus

Jour de pluie, je tombe sur lui.

- Tiens ? Salut! 

- Sa... salut..

- C'est amusant de te retrouver là... Je veux dire... Depuis le temps

On devrait être heureux de se rencontrer. Mais bizarrement, je sens comme une gêne.

- Et qu'est ce que tu fais ?

- Je... je passais. Dans la rue. Par hasard.

- Non, je veux dire, dans la vie.

- Je...  Je fais des trucs. Des trucs pas... bref, des trucs quoi.

- Moi aussi. Plein de trucs même...

Et je lui raconte en long, en large et en travers. J'essaie de le décoincer, de le faire sourire. Mais rien n'y fait. Etonnant comme les gens changent.

Pourtant, nous nous connaissons depuis tout petit. A l'école, il me réveillait pour aller au catéchisme. Où je n'allais pas puisque je dormais. 

Au lycée, nous partagions nos histoires d'amour. Moi, mes déboires sentimentaux. Lui, ses problèmes de positions. Les filles étaient folles de lui. Lui était fou de son corps. Il aimait les femmes pendant l'amour. Le problème venait après. Quand il fallait parler. 

Celles qu'il jetait venaient pleurer sur mon épaule. Pour elles, j'étais le bon copain, l'asexué qui permet de reprendre des forces après l'exercice. Je connaissais toutes leurs préférences, leurs points faibles, les interdits sur lesquelles elles cédaient pour lui faire plaisir. Bien entendu, tout cela devait rester secret.

Il me faisait une fiche technique pour chacune. Pour lui, j'étais le confident parfait, celui avec qui on peut se vanter sans jamais craindre la concurrence. Au début, c'était un peu amusant. Mais à la longue...

- Passe un soir, j'habite pas loin.

- Oui mais moi, je suis pas du coin. 

De temps en temps, il abordait le problème des sentiments avec la délicatesse du boucher qui s'improviserait chirurgien. Car son vrai truc, c'était ses muscles. Chaque semaine, il en découvrait un nouveau. Il était beau, ils était noble, il était à lui. Fier comme un papa. Chaque nouveau muscle faisait de lui un être sensible. 

- Et à part ça...?

- A part ça, rien... Enfin ça va mais... enfin, rien.

Nous n'avions rien en commun mais il y a avait une forme d'intimité entre nous. C'était amusant de trainer ensemble. Même si je servais de faire valoir.

- Je suis désolé, faut que j'y aille.

- Attends, je te donne mon numéro.

- Mais j'ai pas de quoi noter. Désolé.

Merde, qu'est ce qui coince ? J'ai déménagé, certes. Mais lui aussi. Et sans tomber dans les bras l'un de l'autre, il pourrait au moins être content de me voir.

Au lieu de ça, il file sans se retourner, serrant son sac contre lui.

Peut-être est-il allergique à la pluie.

Peut-être est il pressé d'essayer ses achats.

Ou alors, c'est une histoire d'endroit.

On se connait pourtant.

Il ne devrait pas être gêné.

Et puis, ça arrive à tout le monde de sortir d'un sex-shop.

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