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crevette domestique
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19 juin 2011

Jour de fête

 J'ouvre le paquet. Lui tente tant bien que mal de retenir un petit sourire de satisfaction. A l'intérieur, un petit cadeau fait à la main.

 - C'est pour quel pays ?

- Ben non c'est...

- C'est local alors ? Me dis pas que t'as donné ton argent pour ça ? Je veux bien qu'on aide les gens en difficulté mais là mon grand, tu t'es fait arnaquer.

- Mais c'est la maitresse...

- Je m'en doutais. Quand elle ne nous fait pas acheter du jus de pomme qui file la courante pour soutenir les agriculteurs du coin, ce sont les bouteilles plastique pour les victimes de tremblement de terre. Entre parenthèse, je n'ai toujours pas compris à quoi ça sert sinon à construire des radeaux.

- Tu comprends pas...

- Non mais j'essaie. Alors, dis-moi. Cette fois, c'est pour Haïti ? Fukushima ? Le printemps arabe?

- Non, juste la fête des pères.

Merde, je l'avais pas vu venir. Son sourire s'est transformé en vieux soufflé. Je crispe le mien.

 - Oh, y a un poème...

- Tu veux que je te le lise ?

- Je serais vexé que tu ne le fasses pas.

- « Sur son bureau, papa

A posé une petite locomotive

Des duvets d'oiseaux... »

Faudra que je parle à sa maitresse. Qu'elle nous prévienne la prochaine fois.

- « Une feuille de chêne

Les sourires de maman et moi... »

Je pensais avoir fait ma part au spectacle de fin d'année. J'ai été sage, je me suis retenu. Je n'ai pas dit que je croyais qu'à l'école, on étudiait. Que cette débauche de costumes en papier crépon était financée par mes impôts durement gagnés. Que j'attendais un résultat. Une forme d'intelligence développée. Pas un spectacle de cartons tellement mal peint qu'on peut encore lire fragile sur l'oreille d'un des éléphants. Je n'ai pas demandé ce que mon fils mettra sur son CV quand il ira a Pôle Emploi. Prince de la farandole ? Expert en déclamation de poèmes ? Je n'ai rien dit, j'ai juste souri.

- « Les grimaces de mes frères

Molière et Lafontaine... »

Il faut voir les parents aussi. Un bestiaire habillé pour le Juste Prix. Tatouages maoris et bides de bière. Les rebelles ont le sourcil piercé et le regard fatigué. Elles devait attendre beaucoup de la vie, elles n'ont que le quotidien. Les hommes font le concours du plus beau short. Ça déconne sec à la buvette. Moi, je fais mine de rien, je suis poli. Je voudrais sympathiser mais j'articule trop. Ici, personne n'aime. Ça fait parisien.

- « Et puis aussi mon travail de fête des pères

Que tout le monde trouve affreux

Sauf lui. »

Il m'a eu avec sa dernière phrase. Il me fait rougir tiens. Ses deux bras m'agrippent.

- Bonne fête papa

- Merci mon grand

Je le serre un peu plus fort en me disant que je suis le pire des pères mais que j'ai le meilleur des enfants.

 

 

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