Rediff' Blog : Savoir reconnaitre un parisien
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Quoi, t'es parisien ?? Mais ça se voit pas du tout !
Et non, ça ne se voit pas. Et pour cause, je fais
tout pour le cacher, je multiplie les efforts pour me fondre dans la masse, je
dépense une énergie folle pour ne pas ressembler à un capitalien. En clair, j'y
met beaucoup de mien pour ressembler à rien. Et c'est bien ce qui me sauve.
Mais au fond, posons nous la question, qu'est ce qu'un parisien ? En quoi le
reconnaît t'on ? Que mange t'il, est il propre, comment marche sa reproduction,
puis je en avoir un pour Noël, est ce vrai qu'il faut le vermifuger avant de
jouer avec ? Toutes ces questions, amis de province et de Suède, vous vous les
êtes forcément posées un jour.
Aujourd"hui, l'équipe d'Essuyezvouslespieds s'apprête à vous répondre.
Pendant des mois, nous les avons étudié. Nous avons tout noté. Nous sommes
maintenant des experts es Homos Capitalus.
Alors ouvrez vos cahiers à la page sciences naturelles et notez bien ceci
: Il n'y a pas un mais des parisiens. Comprenez que vivent
au même endroit, plusieurs espèces bien distinctes qu'il ne faudrait en aucun
cas mélanger. Avant d'adopter un parisien, mieux vaut connaître son pedigree.
Il serait en effet dommage que vous l'abonniez à Télérama pour qu'il se sente
moins seul alors qu'il ne fonctionne qu'au Parisien (NdT Aujourd'hui en
France). De même, ne vous inquiétez pas s'il dépérit à vue d'oeil en
regardant Cauet, pourtant fort festif quand il s'en donne la peine. Peut
être que l'émission le rend nostalgique des folles soirées Myspace
organisées par ses amis chics et précaires. Ou plus simplement, que vous êtes
tombés sur le modèle "Gainsbourg est mort et je veux faire comme
lui", modèle fort courant dans nos grises contrées sur lequel il n'y a
rien à faire d'autre qu'à écouter/lire/voir leurs nombreux cacas nerveux
artistiques.
Savoir reconnaître un parisien est aussi un bon moyen de pouvoir s'infiltrer
auprès d'eux sans se faire repèrer. Et c'est y pas classe de plus passer pour
un provincial quand on monte à la ville ? Oui, boudiou.
Les "Très surfait"
En
échange d'un bel appartement dans les quartiers étudiants de la Capitale, le
Très Surfait a subi une ablation des émotions. Désormais, plus rien ne
l'étonne, ne le surprend, ne le touche. Sa vue imprenable sur la Seine : très
surfait. Le dernier vernissage à Beaubourg en présence du Ministre de la
Culture : très surfait. L'usine AZF, l'ouragan Katherina, le 21 Avril : de
l'excitation vulgaire pour effrayer les masses.
Le Très Surfait ne sais pas ce qu'il fait à Paris, cette ville légèrement
crottique, pressée et bruyante, alors qu'il y a des centres culturels bien plus
animés en France comme Lille, Bordeaux, Tours ou Avignon. Mais en même temps,
qu'irait-il foutre dans ces contrées désertiques alors qu'il n'a jamais réussi
à dépasser les frontières de son Ve arrondissement (très surfait, par
ailleurs).
Le Très Surfait lit Beaux-Arts Magazine qu'il trouve assez mal écrit, voit la
dernière pièce d'Adjani en s'emportant sur ce texte qui gâche le talent d'une
si grande actrice, lit le dernier Eric Emmanuel Schmitt qu'il trouve amusant
quoiqu'un peu putassier. Le Très Surfait aime aussi regarder les émissions du
peuple comme le foot ou la Nouvelle Star Academy. Ce n'est pas tant la musique
qui l'intéresse que de voir des vraies gens s'époumoner à chanter comme des
casseroles sans tenir compte du ridicule inhérent à ce genre d'exercice. Ce
n'est pas très beau à regarder mais c'est courageux de leur part. Rien que pour
ça, il trouve ça formidable. Il n'en louperait d'ailleurs pas une seule
saison.
Le Très Surfait est facilement reconnaissable hors de son terrier. Il est celui
qui ne vous remarque pas quand bien même vous êtes sous son nez. Manière de
montrer que vous apparaîtrez le jour où vous mériterez d'être regardé.
Quand le Très Surfait sort en bande, il est toujours amusant de repérer
qui déteste qui. Car entre Très Surfaits, il est difficile de reconnaître les
talents des autres. D'ailleurs, ils n'en n'ont pas. Tout ce qu'ils ont fait,
est sincèrement très surfait.
Les "Place to Be" (Ndt- Lieux à être-)
Ils travaillent dans la mode, la pub, la
communication ou les médias. Ils sont jeunes, beaux et adorent former des
communautés dans les derniers lieux fashion de la ville. Leur
journée se décompose en un quart de pause café, un quart de travail, un quart
de préparation de soirées et un dernier quart en soirée avec les gens appelés.
Les derniers gadgets high-tech n'ont plus de secret pour eux. Vous
seriez jaloux de la sonnerie de leur 3G. Ils ont tous leur profil Myspace, Facebook et
Second Life. Ils sont abonnés à toutes les newsletters du monde qui les
traitent en privilégiés. Ils sont la cream de la hype. Le top du
sommet du haut du panier.
Parfois, quand la nuit tombe, que la Wii est débranchée, et que la seule
lumière qui éclaire encore leur loft est celle du modem qui termine de
télécharger les nouveautés US, ils s'interrogent. Même s'ils ont tout, sont ils
seulement heureux ? Avec ce genre de questions à la con, ils angoissent. Ils
notent toute la nuit pour en reparler demain à leur rendez vous de 15h .
Ils vérifient sur Meetic s'il n'y a pas quelqu'un qui possèderait le même
profil.
Parfois, ils aimeraient quitter la ville et ses ambiances de compétition,
revenir aux plaisirs simples, faire de beaux enfants qui feraient la couv'
de Milk. En attendant, pour se
redonner du beaume au coeur et un brin de nostalgie, ils enchaînent la sixième
saison de Friends qu'ils ont téléchargés pour leur lecteur Blu-Ray.
Le "Gainsbourg est mort et je vais faire comme
lui"
Sa
journée commence par un grand bol d'infos suivi d'une cigarette et d'un café
froid. Manière de bien se rappeler que peu importe la saison, le monde va
mal. Très mal. ça chie au Liban, ça s'égorge en Irak, ça se torture au quatre
coins du monde et on voudrait que monsieur aille travailler comme un mouton,
faire ses trente cinq heures sans avoir la moindre bribe de conscience ? Pas
possible, désolé, pas pour lui.
Il préfère être comme le monde : torturé, décalé, décadant. Et tant pis s'il
crèvera plus tôt que prévu. De toute façon, il n'y a rien à espérer de cette
vie. Alors autant attendre la prochaine réincarnation pour espérer un peu
d'espoir.
Il a pensé un temps à s'engager dans un mouvement avant de se rendre compte que
le militantisme ne servait à rien sinon à faire des votes à mains levées. Il
préfère rester chez lui, agir localement. Dire bonjour à la boulangère, c'est
déjà un acte politique.
Pour ne pas donner l'impression de glander, il bidouille des petits trucs, des
sons technos qui feront le bonheur des teufeurs. Parfois il se sent l'âme poète,
il prend sa guitare et compose. Une chanson minimaliste dédiée aux deux amour
de sa vie, son ficus agonisant sur son coin de balcon et Titanic, son poisson
rouge dans son bocal sale.
Sans le savoir, il fait craquer les filles qui le voit comme un descendant de
Baudelaire, de Biolay, de Raphaël. Lui trouve qu'il fait froid sur Paris, que
les gens ont l'air tristes dans le bus et que pourtant, il y a quelque chose de
touchant à regarder ce monde s'écrouler, comme s'il était le seul témoin
à se rendre compte que la ville vivait ses derniers moments.
Il quitte parfois Paris pour perdre son tein lunaire. Dormir en province chez
des potes installés. Retrouver le bonheur d'un café chaud partagé entre amis.
Il craque un temps sur le sourire des enfants. Avant de se souvenir que
c'est ce genre d'images qu'utilise TF1 pour endormir son public.
Il rentre sur Paris en pensant que le monde ira toujours mal. Raison de plus
pour rester au même endroit et écrire des chansons en attendant la mort.
Les Pas Vraiment Méchants (Jamais Contents)
Chaque jour, il y a du monde dans les transports, il
y a du monde sur les routes, il y a du monde au bureau, il y a du monde à la
cafétéria, il y a du monde dans les cafés, il y a du monde aux toilettes, il y
a du monde à la photocopieuse, il y a du monde sur le chemin du retour et il y
aura du monde, ce soir, à regarder la même chaîne pour se détendre. Bref, quand
ils ne travaillent pas, ils sont cre-vés.
Alors quand ils sortent le week-end, ils attendent un service parfait chez les
commerçants. Pas de file d'attente au cinéma, un sourire de tous les vendeurs,
pas un pet de travers quand on les sert. Sans cela, c'est la catastrophe, ils
se mettent en mode Tornade, engueulent tout et n'importe qui, veulent voir la
direction, demandent à être remboursés, hésitent à porter plainte, parlent
d'alerter la presse, de faire valoir leurs droits de consommateurs. Ils se
calment à peu près quand on les remboursent. Ils bougonnent encore pour la
forme, tentent de rallier d'autres clients à leurs causes mais souvent en vain.
Car les PVM n'aiment pas le scandale que font les autres. Ils ont travaillé
toute la semaine, ils n'ont pas besoin d'entendre un type craquer simplement
parce que son café est tiède.
Les PVM rêvent de vacances toute l'année avant de se rendre compte qu'ils les
passeront avec les autres qui bloquent, en même temps qu'eux, les routes de
France. Hors Paris, le PVM se méfie de tout. L'accent des autochtones lui
parait gentiment kitsch, peut être un peu trop parfait pour être honnête. Il
trouve le prix des cafés exhorbitants, estime qu'on se paye un peu trop sur son
dos de touriste, voit fondre son argent sans avoir l'impression d'en profiter
pleinement. Tout ça c'est la faute de ceux qui partent en même temps que lui pour
aller aux mêmes endroits. Il reconnaît d'ailleurs Jean Claude, le syndicaliste
de son service, en train de faire un scandale sur la plage sous prétexte que sa
serviette est pleine de sable.
Les Oh Regarde Comme C'est Joli
Souvent,
elles accompagnent les PVM et contrebalancent leur mauvaise humeur en trouvant
tout merveilleux, authentique, si différent de ce que l'on imagine quand on est
chez nous à la maison. Même près d'une centrale, elles respirent encore le
frais de la campagne, ce bon air vivifiant qui redonne un peu de couleur à
leurs joues de parisiennes.
Après quelques heures d'inertie sur la plage, elles se donnent pour mission de
trouver LE souvenir qui trônera toute l'année dans le salon en représentant le
mieux ce qu'ont été ces nouvelles vacances. En attendant, elles envoient des
cartes postales à toutes leurs amies, pour bien montrer qu'ici, vraiment, comme
c'est Joli.
Les ORCC sont constamment de bonne humeur et à deux doigts de la dépression.
Toute l'année, elles servent d'éponge, encaissent les remarques désagréables,
règlent les problème au quotidien, tentent de faire prendre du recul à ceux qui
s'énervent pour un rien, trouvent toujours une issue positive à tous les
problèmes. La vie est moche mais on y fait de belles rencontres. Les prix sont
chers mais les produits sont de qualité. Les voisins nous surveillent mais
qu'est ce qu'on ferait sans eux ?
On les retrouve souvent au service SAV des grandes boutiques, écoutant
patiemment les PVM qui viennent se plaindre des ratés de leur dernier grille
pain. Et c'est souvent ainsi que se font les plus belles rencontres.
Il reste encore plusieurs types de parisiens à identifier mais avec ces
quelques repères, vous devriez d'abord faire un premier choix quant au genre de
parisien que vous souhaitez adopter. Bien entendu, il existe aussi des mélanges
qui permettent d'avoir quelques quarts d'un genre avec un quart d'un autre. A
vous de voir les subtilités.
La chasse aux parisiens est ouverte. N'hésitez pas à nous raconter vos plus
belles prises...