A distraite, distrait et demi

Je me réveille, je cherche autour de moi. Pas d'affaires sous la main. Pas d'autres choix que d'aller ouvrir mon armoire. Je me lève et sens comme un léger courant d'air. Je me retourne. Ma porte est ouverte. Tous mes hôtes profitent de la magnifique vue...

Pas que ça me gêne franchement. Je ne suis pas mal de ma personne. Et je suis de nature généreuse. Alors qu'ils en profitent. Quand on est bien fait de sa personne, il est normal d'en faire profiter les autres. 

Et puis, je ne suis pas pudique. A une époque, je signais les recommandés sans rien d'autre pour m'habiller que le stylo de la postière qui tentait de ne pas s'en offusquer. Et pourtant, je faisais un effort. Je cherchais mon caleçon à toute vitesse. Et je ne le trouvais pas.  La moindre fringue aurait suffi. Une chaussette au bon endroit ou la jupe d'une copine auraient fait l'affaire Quelle aurait été la réaction de la postière en découvrant que je prenais mon temps pour mieux me traverstir ? Je ne le saurais jamais car j'étais célibataire et je ne rentre pas dans la jupe de quiconque. Sans parler des chaussettes plus introuvables que mes caleçons. Mais je pense que sa réaction aurait été la même. "Recommandé. signez ici" avant de partir au plus vite. 

Mais je fouillais à toute vitesse, la sonnette insistait et je ne trouvais rien. Si je n'allais pas ouvrir, rapidement la personne allait partir. Ou enfoncer la porte. Je l'aurais mise de mauvaise humeur simplement parce que je ne trouvais pas mes affaires. Jack B. cherche t'il ses fringues avant de désamorcer une bombe ?  Non, il s'en occupe d'abord, et tant pis s'il est nu. Il a le sens des priorités. Il est un héros. Je suis un héros. J'ouvre la porte.

Le fait d'être nu devant mes invités ne me gêne donc pas. Du moins, pas plus que ça. Seulement, ça me gêne qu'elle n'ai pas fermé la porte. Car ce n'est pas la première fois. Déjà en hiver, je suis réveillé par un courant d'air glacial. Et la dernière fois à Paris, elle a laissé grande ouverte la porte de mon studio. Ne manquait plus qu'une pancarte "servez-vous". Personne ne s'est servi, tout était à sa place, preuve qu'il n'y a rien à voler. J'en serais presque vexé.

Une fois, ayant cours, j'étais parti sans la réveiller. J'avais bien fermé la porte, pas de risque que quelqu'un s'incruste chez moi. Je passe ma journée à étudier. Et la retrouve le soir même, tentant d'escalader la fenêtre. Bon. Je n'habite pas haut. Un premier étage. Mais en dessous, il y a un magasin. Je rentre à temps, l'empêchant de s'écraser sur la verrière de la boutique. Et je me fait copieusement engueuler. Car j'ai bien fermé la porte. Trop bien même. Elle n'a pas pu sortir de la journée.  Si elle s'était écrasée, ses premiers mots aurait été "je n'avais pas les clés" après qu'on lui ait demandé pourquoi elle avait sauté de la fenêtre.   

Finalement, je m'habille. Personne ne m'a vu. Je ferme la porte. La journée peut commencer.