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crevette domestique
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17 juillet 2009

Les stagiaires d'été

Pour ceux qui connaissent mon blog, trois lecteurs donc, vous pouvez crier au scandale. Oui, y a jamais rien de nouveau, que du vieux, du déjà lu et même pas un poil de nouveauté. A tout cela, je dis "c'est vrai" et "je vous ai entendu".  Aux autres, je dis, bonne lecture :)

Ils sont parmi nous


- Alors euh.. comment je fais... attendez hein parce que... Gisèle ?... Gisèle, tu peux venir s'il te plaît ? J'ai un problème avec monsieur... 

Vous qui bronzez sans me voir, loin des turpitudes citadines des travailleurs cosmopolites aoûtiens, passez ce post qui risque de gâcher quelque peu vos vacances. Pendant que votre peau se dessèche et noircit au gré de vos grilles insouciantes de sudoku, la ville est à nouveau envahie par ces travailleurs de l'été. Comme chaque année, ils reviennent démolir votre organisation, commettre des erreurs qui vous vaudraient la porte mais qu'on leur excusera du fait de leur position, dévoiler vos points faibles qui vous feront perdre toute crédibilité auprès de votre service.

- Excusez moi monsieur, y en a  pas pour cinq minutes, monsieur... Je suis désolé hein...

Ils sont la terreur des grandes vacances, un véritable carnage pour l'organisation, la synergie et le managering de votre entreprise (houlà, tous ces mots, ça me donnent mal à la tête), ils sont  partout, ils sont peut être même dans votre famille, ils sont...

Les Stagiaires 

-Non parce que j'ai rappuyé sur bis et ça m'a compté le total deux fois mais je suis pas sûre.... Et miiiiiince, je crois que je me suis gouré...  Comment qu'on fait pour revenir en euros ?

Soyons juste.

Petit, moi aussi, j'ai été stagiaire, j'ai cassé des voitures professionnelles (enfin une), j'ai commis des impairs, j'ai mis des costumes cravates qui ont fait très plaisir à ma maman mais m'ont foutu la honte sévère, j'ai été sous les ordres de gens qui m'ont regardé de haut (quand j'avais l'honneur d'être remarqué), j'ai laissé des crottes de nez sous leur siège pour dénoncer leur attitude négative, j'ai découvert la subtile musique d'attente des téléphones professionnels (pas trop agressive, pas trop personnalisée) et l'exotisme de l'éclairage au néon, j'ai créé le désordre sur le bureau d'une assistante en cherchant un Post-it et commis quelques bourdes sans véritable importance comme  dessiner sur les factures en cours ou arriver douze heures en retard. En somme, des petites bricoles dont on rigole après quand on est partis loin de ce monde qu'est l'entreprise en période d'été.

Mais aujourd'hui, j'ai des responsabilités, je suis un homme anobli par le temps, un professionnel reconnu, un responsable qui ne commet plus aucune faute et file droit dans ses baskets du vendredi (Friday wear oblige). J'ai oublié cette époque épique où le futur était incertain, où je n'étais pas bien sûr de comprendre tous les rouages de l'entreprise, où pour faire patienter, je devais dire :

- Vous êtes sûrs que vous voulez une facture ? Non parce que... alors... Attendez...  Gisèle... Gisèle !!!  J'ai un autre problème...

Bref, j'ai changé un peu et c'est d'un regard amusé que je remarque cette multitude de stagiaires qui prolifèrent en votre absence dans les bureaux.

A quoi reconnaît-on un stagiaire d'été :

Tout d'abord, il est bon de préciser qu'il y a stagiaire et stagiaire. La première catégorie est souvent d'origine étudiante, reste un bon moment dans vos locaux, est super jeune dans la tête, à l'esprit frais, ouvert et plein d'espoir en arrivant (à les regarder, on dirait une pub pour les banques à l'intention des 15-25) avant de repartir dégoutés, pauvres et vieillis quelques mois plus tard généralement, au moment où arrive la seconde caste de stagiaires, celle dite "d'été".   

Ces nouvelles recrues souvent plus jeunes, viennent du lycée, découvrent un monde jusqu'ici réservés à Papa Maman, n'ont que peu de fantasmes sur cet univers où les discussions tournent autour des prochains congés payés, des émissions vues la veille et des courses faites en famille le samedi.

Les stagiaires d'été se décomposent en plusieurs familles. En voici quelques-unes :

Les Séducteurs

A l'aise en toute situation, les séducteurs ne sortent jamais sans leur sourire en coin et leur assurance sans faille. Dés la première journée, ils font le tour des bureaux afin de sympathiser avec tous les membres de cette fabuleuse famille que l'on appelle l'entreprise. Ils arrivent même à créer la jalousie quand ils font sourire la collègue que tout le service essaie désespérément de séduire depuis des années.

Conscient de son potentiel, le séducteur sait que sa jeunesse est un suppositoire qui permet de faire passer les choses en douce auprès des autres. Son intention est de bien s'amuser durant son court passage, de gagner du temps et si possible de combler ce fantasme d'adolescent qui consiste à coucher avec une femme plus vieille (disons 25-30 ans maxi) si possible mariée laquelle lui donnera l'assurance de ses prochaines années en lui confiant quelques conseils susceptibles d'améliorer son potentiel sexuel.

Les femmes le considèrent comme le chouchou, le gentil, le prometteur, le sympathique, le on en fait plus des comme ça, le ohhhh il est kro mignon (quoiqu'un peu jeune). Les hommes le détestent et ne cessent de lui demander des tâches ingrates comme répondre au téléphone ou aller chercher un colis à la Poste pour l'éloigner au plus loin du bureau.

C'est d'ailleurs avec un plaisir  pervers qu'ils abusent de son principal point faible : l'organisation.

Demandez lui de trouver quelque chose, il vous renverra son plus beau sourire, vous demandera des nouvelles du petit dernier, parlera d'un superbe film qu'il aimerait voir avec vous (si jamais vous êtes libre ce soir) et rigolera encore de quelques  anecdotes afin de vous faire oublier qu'il ne sait pas où est ce que vous lui demandez, quand bien même, son coude s'appuie dessus depuis une heure. 

Une fois retourné à son bac pour une nouvelle année, la tension érotique remonte sensiblement chez les hommes tandis que les femmes n'ont plus la tête à ça, trop de boulot, trop de problèmes familiaux et l'automne qui s'annonce... Non, franchement, pas maintenant....

Son départ laisse des traces et  à cause de ce petit con, il vous faudra bien une année pour obtenir un sourire de la collègue que tout le monde essaie désespérement de séduire...

L'ex Gothique

Son regard lourd de sens vous faire comprendre qu'elle n'est là QUE pour financer  son prochain trip à Londres. Habillée en Barbie Travaille, l'ex Gothique vous déteste, vous et le monde aseptisé de l'entreprise qui l'avez obligé à abandonner ses vêtements noirs pour une tenue d'été plus colorée. Humiliation suprême, le chef de service lui a demandé de jeter un voile pudique sur son magnifique tatouage, sa fierté, sous prétexte qu'il faisait peur à la clientèle. Heureusement, elle a réussi à garder la majorité de ses piercings, notamment celui situé sur sa langue qu'elle exhibe par provocation autant que par amusement. 

Eternelle incomprise du service, l'ex Goth ne cesse d'alterner entre la séduction  et la révolte.  Elle est constamment en quête d'un partenaire capable de l'aider à faire exploser les normes de cet univers kafkaïen. Si vous ne trouvez plus vos affaires, si vos trombones forment une magnifique farandole, si votre poubelle explose et qu'il manque une fiche pour brancher votre ordinateur, ne cherchez plus, c'est l'ex Goth qui vous dit fuck à la société. Dans sa tête, c'est un Fight Club permanent et elle espère par ses actions, vous montrer la voie de la liberté contre l'aliénation. Elle rêve d'un budget hollywwodien pour faire péter l'immeuble. En attendant, elle redécore le ficus de l'entrée à la sauce Manson.

Si grâce à elle, les hommes du service retrouvent une seconde jeunesse (certains se sont même remis à la guitare), les mères de famille s'inquiètent devant ce vampire des temps modernes qui risquerait d'envoûter leur fils du même âge. A peine deux semaines après son arrivée, des rumeurs circulent sur les mutilations qu'elle se fait régulièrement aux toilettes. C'est bien simple, les autres femmes n'osent même plus y aller.

A force d'efforts et de gentillesse, elle finira par s'intégrer à cet univers a priori hostile, au point même de faire partie du décor. Son départ sera même un petit pincement pour certaines collègues qui la trouvaient plutôt attendrissante, et pas si conne que ça au final.

De temps en temps, elle donne des nouvelles, sans jamais reparlé du portefeuille qu'elle vous a gentiment piqué, un midi où vous aviez laissé votre veste. Peut-être est-ce grâce à lui, plutôt qu'à son maigre salaire, qu'elle a pu faire les vitrines de la capitale anglaise et s'acheter ce nouveau piercing qu'elle exhibe fièrement.

Le fils idéal

Le premier jour, il a mis trois heures à se préparer avant de venir travailler. Sa famillelui a dit que pour bien commencer le plus important c'était de faire bonne impression. C'est sûr qu'avec son noeud de pap' et sa chemise à carreaux millimétrés, il impressionne grandement le service.

Derrière ce visage de grand poupon se cache une boule d'hormones en formation qui déglutit à chaque fois qu'une femme s'approche trop près. L'espèce féminine est d'ailleurs une source inépuisable d'observation pour ce jeune stagiaire qui en fait son principal sujet d'étude. Comment vivent-elles, que mangent-elles, qu'est ce qui les fait rire, à quoi pensent elles quand la nuit tombe et que les esprits s'échauffent et que... Enfin bref euh... je veux dire...  c'est forcé, d'une manière ou d'une autre, y a bien un moment où elles pensent au... enfin....

Moqué toute l'année par ses camarades de classe, chahuté parfois, il découvre dans le monde de l'entreprise, un havre de paix, un cocon familial où on prend soin de lui. Petit à petit, il se déniaise, au point même de se laisser aller à mettre un jean (bien repassé) et à laisser en dehors la chemise de son pantalon. Il est sûr d'être devenu un homme, un vrai alors qu'il fait juste moins coincé.   

A la fin de son séjour, il offrira quelques délicieuses parts de cake que sa mère lui a expressément préparé. Sa mère qui ne cesse de l'appeler durant son stage pour savoir s'il s'en sort bien, s'il ne sue pas trop, s'il peut noter la liste de courses, s'il a pensé à acheter des croissants pour se faire apprécier et qui l'engueule parce qu'il n'a pas osé acheter une rose pour chaque femme du service alors que ce n'est que comme ça qu'il peut espérer revenir pour une prochaine saison.

Le jour de son départ, il tient absolument à faire la bise à toutes les femmes présentes. Un contentement érotique qu'aurait aussi apprécier les hommes du service plutôt que de serrer ses mains qui collent étrangement.

La chiante-chiante 

"Tu me respectes, je te respectes d'accord ?! Si tu me respectes pas, je te respectes pas, c'est compris ?"

Elle a l'allure caillera, mâche des chewing-gums avec l'air d'une vache, passe ses journées à envoyer des textos, à remplir son skyblog, à dire "c'est clair", "grave", "ça me gave", "je me fais iaich'" et à se plaindre que ses potes sont tous à la plage tandis qu'elle crêve dans cette ambiance de vieux. Elle n'arrête pas de rembarrer son copain qui ne cesse de la vexer au téléphone, à regarder ses mèches qu'elle coupe avec les fournitures de bureau, à se répéter les paroles de Diam's dont elle aimerait être la soeur spirituelle.

"C'est clair, demain je le largue", dit-elle constamment à propos de son mec au point que plus personne n'y prête attention. Parfois elle a des fights violents avec lui sous prétexte qu'il s'éclate loin tandis qu'elle s'emmerde ici. Elle rêvait d'un été mortel, elle se retrouve dans un enfer climatisé qui lui permettra d'acheter quelques fringues, quelques Cds, quelques affaires qui ne regardent qu'elle. En attendant, elle remonte la capuche de son Sergio Tacchini et fait semblant de dormir pour faire passer le temps sans être dérangée.

En plus de se donner un genre, la chiante chiante gonfle tout le monde, met une mauvaise ambiance et ne fait sourire que son père, le boss qui voit en elle la petite fille qu'elle a un jour été.

Plus tard dans sa life, elle se verrait bien faire un clip avec des mecs canons et des filles qu'ont du staïle. Parfois à l'heure du midi, elle improvise une chorégraphie et sort les paroles de ses premiers peura qu'elle griffonne pour faire passer le temps.

Elle devient agréable quand elle se rend compte que vous connaissez peut être le fils du frère d'un ami qui connait des gens bien placés dans une major. Par contre, elle ne peut vraiment pas encadrer les autres femmes du service, tous des putes qui se la pètent sous prétexte qu'elles ont une situation et des responsabilités. De par sa filiation, elle prétend connaître tous les secrets de l'entreprise mais cherche encore quelle est celle qui a couché avec son père et par la même, accéleré le processus de divorce de ses parents.

Au final, la chiante chiante ne sourit que quand elle voit une photo de son bébé Kiki, un rotweiller nain qu'elle s'est mis en fond d'écran et qu'elle ramène de temps en temps pour effrayer ses collègues. Quand elle partira, on changera le ficus mort sous les crocs de Kiki la peste.

L'été se termine, les stagiaires migrent vers d'autres études. Votre bureau retrouve enfin cet univers de quiétude propice à la productivité. L'année prochaine peut être aurez vous d'autres catégories de stagiaires.  En attendant, il vous faut ramasser les dernières crottes que l'adorable Kiki vous a légué sous votre siège de bureau.

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